Lorsqu'on entre dans la vaste église conventuelle, le regard se porte aussitôt vers le choeur et son abside. On est impressionné par l'éclatante lumière qui jaillit des fines fenêtres à lancettes et par la hauteur du transept dont la croisée culmine à 26 m. La construction du choeur et du transept date du début du XIVe s.. Elle atteste de l'essor rapide de l'ordre de Saint Dominique et de la grandeur de Perpinyà au temps des rois de Majorque.
Approchons-nous du choeur, retournons-nous et observons la nef. Elle est couverte d'une charpente sur arcs diaphragmes et, à l'exception de la première travée qui jouxte la croisée, elle est nettement plus basse. Très vite on comprend qu'elle est étrangère au grand projet d'église qui s'initiait avec le choeur. Que s'est-il passé, pourquoi après ce premier jet ambitieux l'élan des bâtisseurs s'est-il perdu ? Est-ce dû à la chute du royaume de Majorque, à la peste noire de 1348 si dévastatrice ?
Plus aucuns travaux de belle envergure ne furent accomplis dans l'église. Par manque de ressources tout fut réalisé à l'économie. Il semble qu'on se soit borner simplement à raccorder tant bien que mal l'ancienne nef du XIIIe s. au nouveau transept. André Escarra nous explique : "Lors de la construction du chevet, la nef de l'ancienne église avait été conservée ; on se contenta donc, dans un premier temps, de la border de chapelles. Les murs gouttereaux furent repoussés et reliés aux contreforts extérieurs de cette nef par des arcs, ce qui donna à l'édifice l'aspect d'une église à collatéraux. Ces arcades furent par la suite murées et remplacées par des passages plus étroits". Pourquoi "l'ancienne nef ? C'est un indice dans les piédroits des arcs qui permet de le supposer : "Lorsqu'on construisit les chapelles, les murs gouttereaux de cette nef furent démoli et les arrachements comblés par des briques afin de constituer des pilastres lisses et réguliers". Donc, plutôt que de reprendre totalement le pilastre en bel appareil, on préféra refaire simplement les angles et laisser subsister le parement intérieur de l'ancienne nef qui était en marbre de Baixàs. Le manque de moyens eut une conséquence plus grave. Sans tenir compte des règles élémentaires de l'architecture gothique, les chapelles qui furent ouvertes de part et d'autre de la nef ne s'élancent qu'à mi-hauteur des murs gouttereaux. Ce défaut qui est sans conséquence tant que les chapelles se contrebutent respectivement, aurait pu être fatal à tout l'édifice en bout. Les poussées latérales des deux arcs des dernières chapelles ont déformé les deux piliers du transeptpiliers du transept et son grand arc.
Heureusement qu'au début du XXe s., à l'époque où l'église était encore propriété militaire, la construction de contreforts et arcboutants en brique a permis de sauver la croisée du transept et le choeur (mais pas les voutes des croisillons).